Fracture numérique en Belgique : les grandes entreprises mènent la danse, les PME sont à la traîne

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L’économie numérique belge tourne à plein régime, mais tout le monde n’est pas dans le même wagon. Les grandes entreprises sprintent en tête, tandis que les PME peinent à suivre le rythme.

L’économie numérique belge tourne à plein régime, comme le révèle un rapport récemment publié par le SPF Économie. Mais derrière ces chiffres de croissance solides se cache une tension moins visible : l’écart de croissance numérique entre les grandes entreprises et les PME ne cesse de se creuser.

Particulièrement dans les domaines de l’IA, de l’infrastructure et de la maturité numérique, un fossé structurel menace de se former. Pour les DSI, les responsables informatiques et les décideurs numériques, c’est le moment d’ajuster le cap, ou de risquer de prendre du retard. Plongeons dans les chiffres.

Adoption de l’IA : la Belgique est à la fois leader et retardataire

Sur le papier, la Belgique est un leader européen en matière d’IA. 24 % des entreprises belges utilisent aujourd’hui au moins une forme d’intelligence artificielle. C’est bien au-dessus de la moyenne européenne. Dans le classement, la Belgique occupe la troisième place, devant des pays voisins comme l’Allemagne (20 %) et la France (12 %).

Mais en y regardant de plus près, on constate un déséquilibre. Les grandes entreprises adoptent massivement l’IA : deux sur trois utilisent des applications d’IA telles que l’apprentissage automatique, la reconnaissance vocale ou les flux de travail automatisés. Chez les petites entreprises, l’utilisation stagne à 20 %. Les entreprises moyennes se situent quelque part entre les deux.

Cet écart se traduit également dans le type de technologies utilisées par les entreprises. Les grandes entreprises se concentrent sur l’automatisation des flux de travail, l’apprentissage profond et la génération de langage naturel. Les petites entreprises se limitent généralement à l’automatisation de base ou restent pour l’instant complètement à l’écart de l’IA.

Pour les PME, le manque d’expertise interne constitue le plus grand obstacle, suivi par les problèmes de qualité des données, de compatibilité technologique et de coûts. Fait notable : les préoccupations éthiques ne jouent pratiquement aucun rôle. Le frein n’est donc pas lié à un manque de volonté, mais à un manque de capacité.

Intensité numérique

L’Indice d’Intensité Numérique (IIN) donne une image de la maturité des entreprises belges dans leur transformation numérique. Les résultats sont à nouveau éloquents : alors que 95,3 % des grandes entreprises atteignent un niveau « élevé » à « très élevé », ce n’est le cas que pour 34,5 % des PME « . Une PME sur cinq reste même dans la catégorie la plus basse ».

L’intensité numérique mesure, entre autres, l’utilisation de l’IA, du cloud, de la cybersécurité, des outils de réunion et de la formation numérique des employés. Ici aussi, la règle est : plus l’entreprise est grande, plus sa base numérique est étendue.

Cette maturité se traduit par une plus grande agilité. Les grandes entreprises peuvent pivoter plus rapidement face aux changements technologiques, organiser plus facilement le travail hybride, et gérer plus efficacement les menaces cybernétiques. Pour les PME, il est nécessaire d’avoir un accompagnement et des solutions abordables pour combler l’écart.

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La fibre optique patine

En matière de connectivité mobile, la Belgique a fait un redressement impressionnant. Alors que la couverture 5G était encore un point faible en 2023, elle a connu une croissance explosive en 2024 pour atteindre 96 pour cent : légèrement au-dessus de la moyenne de l’UE. La couverture réseau générale est également bonne : 93 pour cent de la population belge a accès à l’internet haut débit de haute qualité. Cependant, une étude menée par Okta dresse un tableau beaucoup moins positif de la disponibilité de la 5G et classe la Belgique comme le plus mauvais élève de la classe de l’UE.

Pourtant, une asymétrie persiste ici aussi. La Belgique se classe tout en bas du classement européen en termes de couverture en fibre optique. Seuls trente pour cent de la population dispose de fibre jusqu’au domicile ou de « fibre optique complète », contre une moyenne européenne de 69 %.

Une explication pour le déploiement lent de la fibre optique ? La Belgique s’appuie encore largement aujourd’hui sur des réseaux hybrides combinant fibre optique et câble coaxial, comme le Docsis. Ces réseaux hybrides sont certes performants, mais freinent le développement structurel de l’infrastructure en fibre optique, note le SPF Économie.

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Pour les grandes entreprises ayant accès à des réseaux d’entreprise ou à des infrastructures de colocation, ce n’est que rarement un problème. Pour les PME ou les entreprises dans des zones moins densément peuplées — qui dépendent plus souvent de l’infrastructure publique — le manque de fibre optique peut, à terme, constituer un véritable goulot d’étranglement pour le déploiement d’applications basées sur les données, de stratégies cloud ou d’intégration d’IA, creusant ainsi davantage le fossé grandissant.

Recherché : talent en TIC

La Belgique obtient de relativement bons résultats en ce qui concerne l’emploi de spécialistes en TIC : 29 % des entreprises comptent au moins un expert interne sur leur liste de paie, contre 20 % en moyenne dans l’UE. Mais ici aussi, l’écart est visible : dans les micro-entreprises (2 à 9 employés), moins d’une sur dix a son propre informaticien. Pour les petites entreprises, ce chiffre est de 20 %. Ce n’est qu’à partir de 50 employés que cela devient la norme.

Le SPF Économie note que la part de la population travaillant dans le secteur des TIC stagne. Elle reste entre cinq et dix pour cent. D’ici 2030, elle devrait atteindre dix pour cent.

La demande d’experts en TIC ne manque pas, mais la recherche de talents s’avère difficile. Les entreprises qui tentent de recruter des informaticiens se heurtent principalement à un manque de qualifications pertinentes et à un faible nombre de candidatures. Les exigences salariales élevées n’arrivent qu’en troisième position. La « guerre des talents » est donc bien réelle en Belgique, et il est particulièrement difficile de trouver des profils spécialisés en dehors des grandes villes.

Un défi supplémentaire : l’offre de formation reste fragmentée, surtout pour les PME qui n’ont pas de structure de formation interne. Sans une collaboration structurelle entre l’éducation, le gouvernement et les organisations sectorielles, cela continuera de freiner l’innovation.

Que signifie cela pour les décideurs en TIC ?

Le rapport montre deux visages du secteur TIC belge : au niveau macro, la Belgique semble exceller, mais sous ces beaux chiffres se cache un grand écart numérique. Pour les grandes entreprises, l’accent est mis sur l’optimisation, l’expansion et l’innovation en IA, tandis que les PME essaient surtout de suivre le rythme.

Que peut apprendre un décideur en TIC de ce rapport ? Avec ces quatre points d’action, vous construisez une base numérique solide pour votre organisation :

  • Investissez de manière ciblée dans l’IA : commencez par des applications nécessitant peu d’intégration, comme le service client basé sur l’IA ou le traitement de documents.
  • Renforcez vos fondations numériques : le cloud, la cybersécurité, la connectivité et la formation sont la base d’une transformation numérique réussie.
  • Collaborez : rejoignez des initiatives sectorielles ou des réseaux de formation pour acquérir de l’expertise sans avoir à tout construire vous-même.
  • Considérez l’infrastructure de manière stratégique : dans les régions à faible couverture en fibre optique, passer à la colocation ou à des solutions edge peut être un choix judicieux.