Une entreprise canadienne proclame la suprématie quantique, mais les universitaires ne sont pas d’accord

Une entreprise canadienne proclame la suprématie quantique, mais les universitaires ne sont pas d’accord

D-Wave affirme avoir atteint la ‘suprématie quantique’. Comme pour toute avancée majeure dans le domaine des ordinateurs quantiques, plusieurs universitaires contestent cette affirmation.

L’entreprise quantique canado-américaine D-Wave s’approprie le titre de ‘suprématie quantique’ : le Saint Graal des ordinateurs quantiques. Dans un article publié dans la revue académique Science, D-Wave décrit comment elle a pu résoudre un problème qui n’aurait jamais pu être résolu avec un superordinateur traditionnel. « C’est ce vers quoi toute l’industrie aspire et nous sommes les premiers à le réaliser concrètement », déclare fièrement le PDG Alan Baratz au Wall Street Journal.

Le problème spécifique que l’ordinateur quantique de D-Wave a réussi à résoudre concerne la simulation de matériaux avec un champ magnétique complexe à un niveau de détail extrêmement élevé. Avec un ordinateur quantique, D-Wave a pu accomplir cette tâche en vingt minutes, alors qu’un ordinateur classique aurait besoin d’un million d’années pour y parvenir.

Selon D-Wave, c’est la première fois qu’un ordinateur quantique a démontré sa supériorité par rapport aux ordinateurs traditionnels dans une situation pratique. La capacité de simuler de nouveaux matériaux magnétiques pourrait être applicable dans plusieurs industries. D-Wave préfère parler d’« avantage quantique » plutôt que de « suprématie », mais elle revendique néanmoins cette dernière.

C’est ce vers quoi toute l’industrie aspire et nous sommes les premiers à le réaliser concrètement.

Alan Baratz, PDG de D-Wave (via le Wall Street Journal)

Critique des universitaires

Les universitaires remettent en question l’affirmation de D-Wave. Plusieurs scientifiques affirment que le problème décrit par D-Wave ne nécessite pas du tout d’ordinateurs quantiques. Dries Sels, un informaticien belge de l’université de New York, affirme qu’en utilisant des réseaux de tenseurs, il a pu effectuer des calculs similaires à ceux de D-Wave sur un simple ordinateur portable en à peine deux heures.

Des scientifiques suisses de l’université de Lausanne ont tenté de résoudre exactement le même problème avec un ordinateur ordinaire. Cela leur a pris quatre jours, ce qui est beaucoup plus rapide que le million d’années qui serait nécessaire selon D-Wave. L’entreprise canadienne réfute ces critiques et affirme n’y trouver aucune preuve réfutant leur revendication de suprématie quantique. « Ils n’ont pas effectué tous les problèmes, tailles, observations et tous les tests de simulation que nous avons réalisés », se défend D-Wave.

D-Wave n’est pas la première entreprise à prétendre atteindre la suprématie quantique. Google avait déjà revendiqué en 2019 cette grande percée, qui avait également été contestée à l’époque. Des scientifiques chinois ont détrôné Google trois ans plus tard. Il reste à voir si l’affirmation de D-Wave tiendra bon.

Charge d’erreurs

La quête de la suprématie quantique n’est pas le plus grand problème auquel l’informatique est confrontée. La façon dont les qubits se comportent par rapport aux unités binaires classiques permet des calculs beaucoup plus complexes, mais introduit en même temps une charge d’erreurs plus élevée. Les techniques visant à réduire cette charge d’erreurs se sont jusqu’à présent avérées coûteuses et/ou peu évolutives.

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