La loi européenne controversée sur le « contrôle des chats » est en suspens

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L’Union européenne tente de faire adopter à nouveau le projet de loi controversé visant à affaiblir le cryptage des messages de chat. En raison de désaccords entre les États membres, il est en suspens.

Le projet de loi européen visant à obliger les applications de chat à affaiblir leurs protocoles de cryptage pour les services de police est de nouveau sur la table. C’est maintenant au tour du Danemark, qui assure la présidence tournante du Conseil européen depuis le 1er juillet, de mener la danse. Les universitaires et les défenseurs de la vie privée des citoyens tirent une fois de plus la sonnette d’alarme.

Le projet de loi est critiqué depuis qu’il a été évoqué pour la première fois en 2022. Ses opposants l’ont rebaptisé la loi sur le « contrôle des chats ». L’Union européenne, par ailleurs pionnière en matière de protection de la vie privée numérique, souhaite que les applications de messagerie telles que WhatsApp et Signal affaiblissent le cryptage de bout en bout, soi-disant pour lutter contre la maltraitance des enfants. Les services de police tels qu’Europol en sont demandeurs.

600 signatures

Six cents évangélistes de la protection de la vie privée issus du monde universitaire et technologique partagent une lettre ouverte pour critiquer (une fois de plus) le projet de loi. L’argument selon lequel l’affaiblissement du cryptage simplifierait la lutte contre la maltraitance des enfants ne l’emporte pas sur les conséquences potentiellement importantes pour les citoyens si le gouvernement et la police peuvent lire les messages personnels.

L’une des six cents signatures de la lettre ouverte est celle du professeur belge Bart Preneel, cryptographe à la KU Leuven. Il s’inquiète surtout du fait que le projet de loi autorise la numérisation des messages de chat personnels à l’aide d’outils d’IA. « On suppose que l’IA peut le faire de manière fiable, ce qui n’est pas le cas », déclare Preneel à The Register.

Catastrophe pour la vie privée des citoyens

Cet avis est partagé par les autres experts. Le risque de faux positifs serait trop élevé, ce qui pourrait mettre des citoyens innocents dans une situation délicate. Imaginez que vous vouliez faire plaisir à vos parents avec une photo de leur petit-enfant et que celle-ci soit étiquetée comme maltraitance d’enfants par Europol. De plus, avec la technologie actuelle, et donc aussi le cryptage, les services de police peuvent faire leur travail plus que correctement.

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Un opposant véhément du secteur technologique est Signal. L’application de messagerie a inventé le protocole de cryptage également utilisé par WhatsApp et souhaite se distinguer en garantissant la confidentialité des utilisateurs. Elle gagne des âmes en Europe ces jours-ci. Signal promet qu’elle se battra jusqu’au dernier souffle contre le projet de loi et préfère même quitter l’UE plutôt que d’ouvrir ses portes aux gouvernements.

Un dernier argument contre est que le projet de loi permet également des abus à des fins politiques. Quiconque pense que seuls les régimes dictatoriaux comme la Chine, la Corée du Nord ou la Russie essaient de faire taire les citoyens se trompe. Plusieurs États membres de l’UE, dont l’Espagne, la Pologne et la Hongrie, ont déjà été pris en flagrant délit d’utilisation de logiciels espions.

Désaccord entre les États membres

Heureusement, il semble peu probable qu’un accord soit rapidement conclu. Les États membres ne parviennent pas à s’entendre sur la portée du projet de loi. Le gouvernement allemand partage une déclaration publique dans laquelle il indique qu’il ne peut pas approuver la proposition actuelle.

Les Pays-Bas sont également contre, la Belgique joue un rôle plus discutable dans les débats politiques. Nuance importante : l’Allemagne ne rejette pas complètement le projet de loi et souhaite parvenir à un « compromis » qui puisse finalement aboutir à une législation. Un prochain vote est probablement prévu en octobre.

De l’autre côté de la Manche, un projet de loi similaire a atteint un stade plus avancé. La loi sur la sécurité en ligne du Royaume-Uni, tout aussi controversée, entre progressivement en vigueur. Selon les politiciens, la loi vise à protéger les enfants contre les « contenus préjudiciables » sur les forums Internet et les médias sociaux, mais ce terme est interprété de manière si large et subjective qu’il ressemble davantage à de la censure. Ce n’est pas un hasard si les VPN sont plus populaires que jamais au Royaume-Uni.